Quelques questions à Christian Carayon

Vous vous tournez de plus en plus vers le roman noir, après avoir expérimenté le thriller (vous m’avez notamment scotchée avec « Un souffle, une ombre ») : est-ce une volonté pour vous d’explorer d’autres champs de la littérature noire ?

Je ne crois pas être très à l’aise avec le thriller. Mais, pour être franc, je ne calcule pas vraiment la classification de mon histoire une fois que je m’y plonge. Polar, thriller, roman noir… Peu m’importe en fait. Me promener à la frontière de plusieurs genres me plait beaucoup.

Qu’est-ce qui vous a inspiré cette histoire ?

La colère ! Percevoir un monde de plus en plus agressif, sombre, sur les nerfs et m’en désoler. M’imaginer un homme refusant ce monde-là dans lequel il ne se reconnaît plus. Mais, en même temps, y redécouvrant des grandes parcelles de grâce qu’il ne sait plus regarder. À la fin du film Seven, l’inspecteur Somerset cite Hemingway : « Le monde est un bel endroit qui mérite qu’on se batte pour lui ». Il ajoute : « Je suis d’accord avec la seconde partie. »  Ce pourrait être la devise qui s’impose à mon personnage principal. Et, en toute modestie, qui s’impose à moi.

Pourquoi avoir choisi cette citation de MacBeth pour le titre de votre livre ? Pouvez-vous nous raconter l’histoire de ce titre ?

Je suis tombé par hasard sur cette citation en lisant un essai alors même que j’étais lancé dans la rédaction de mon roman. Le lien m’est apparu évident et j’ai tenu à la faire apparaître dans l’histoire. Plus tard, elle s’est imposée d’elle-même pour le titre. Je n’avais pas de titre de travail contrairement à mes précédents livres. Or, dans la plupart des cas, mes titres ont dû être abandonnés et remplacés avec, à chaque fois, la difficulté pour moi d’en faire le deuil. Donc, pour celui-ci, j’y suis allé « tout nu ».

Vous parvenez, à travers vos descriptions, à nous plonger totalement au cœur des Alpes… Connaissez-vous bien cette région ? L’avez-vous explorée pour nourrir votre écriture ?

Je connais cette région pour y avoir passé plusieurs étés. Mais je ne prétends pas la connaître par cœur. Il me reste surtout des sensations de calme et d’immensité, des souvenirs de quiétude, des images et des lieux qui se sont imprimés en moi pour ne plus me quitter. Le village de ce roman est largement inspiré de Pralognan par exemple. Pourtant, je n’y suis allé que deux fois et je n’y suis plus revenu depuis plus de 20 ans.

Pourquoi avoir choisi cette construction à rebours ? Plutôt, par exemple, qu’une alternance passé/présent ?

L’alternance passé/présent a déjà été très présente dans mes précédents romans. Je voulais trouver un autre biais pour raconter l’histoire. Quand j’ai su qu’on aurait droit à 3 périodes fondatrices de la vie de mon personnage principal, il m’est apparu logique de remonter le fil des choses pour revenir à la source. Dès mon premier jet, c’était quelque chose d’installé.  

Vous abordez de nombreux sujets dans votre roman – sans pour autant les survoler – : la violence faite aux femmes et le suicide assisté, notamment. Ces sujets vous touchent-ils particulièrement ?

Ils m’interpellent plus qu’ils ne me touchent personnellement, fort heureusement. Mais je les sens beaucoup plus présents autour de nous. Peut-être parce que les paroles se libèrent. Peut-être aussi parce que mon âge fait que je tends davantage l’oreille.  

Aura-t-on la chance de vous croiser à un prochain festival ? 

Je serai présent au festival Lire en poche de Gradignan au début du mois d’octobre. Il y aura d’autres salons d’ici la fin de l’année mais, pour l’heure, rien n’est confirmé.

Un prochain roman en préparation ?

Je prépare mais je n’écris pas. J’ai trois histoires en tête et j’au du mal à choisir laquelle commencer. Surtout, je tiens à m’y prendre autrement. J’ai écrit chacun de mes livres d’une manière propre sans la reprendre la fois d’après. Pour le prochain, je tiens à prendre mon temps avant de me lancer, d’accepter laisser les choses mûrir au lieu de me précipiter. 

J’ai l’habitude de demander aux autrices et auteurs que j’ai la chance d’interviewer le titre de leur dernier coup de cœur. Pouvez-vous me donner le vôtre ?

J’ai beaucoup aimé le récit The big good bye sur la genèse et le tournage du film Chinatown. On y fait le grand écart entre le ghetto de Cracovie, le Hollywood des années 1960, l’assassinat de Sharon Tate et des montagnes de cocaïne dans des villas de luxe surplombant Los Angeles. De vraies montagnes russes !

Merci infiniment, Christian Carayon, d’avoir bien voulu répondre à mes questions ! Et merci aux Éditions Hervé Chopin de m’avoir permis de faire cette interview.